A PROPOS LE LOTUS BLANC CONTACT English Flag Jap Flag French Flag

CENTRE CULTUREL BOUDDHISTE
JODO-SHINSHU HARRY PIEPER

CENTRE CULTUREL BOUDDHISTE
JODO-SHINSHU HARRY PIEPER


Brochure n°11 au format PDF (12.2021) 246 ko

Sur ce point, il est bon de mettre les choses en perspective, au vu de la notoriété de René Guénon, car si son œuvre a indéniablement orienté intellectuellement de nombreuses personnes, elle en a aussi désorienté certaines (5).

Dans Initiation et réalisation spirituelle - un recueil posthume d’articles -, au dernier chapitre, le chapitre XXXII : « Réalisation ascendante et descendante », René Guénon entre dans le vif du sujet au milieu du chapitre, et il le fait en se référant principalement au Bouddhisme, ce qui mérite d’être relevé.

Ce qu’il écrit alors est à mettre en parallèle avec un passage d’un autre de ses ouvrages : Introduction générale à l’étude des Doctrines Hindoues - seconde édition -, pour prendre la mesure de l’évolution de sa pensée ayant trait au Bouddhisme. En effet, au chapitre IV : « À propos du Bouddhisme [1] », la note du titre nous fait part des raisons qui l’[…ont amené à modifier le présent chapitre…]. L’auteur y revient sur des erreurs qu’il énonça au sujet du Bouddhisme, ce qui est tout à son honneur, d’autant que de sa part le fait est exceptionnel.

Ce qu’il dit est juste quoi qu’insuffisant, pour la raison qu’il indique dans cette note, précisément : […nous n’avions pas le temps d’entreprendre les longues recherches qui auraient été nécessaires pour approfondir davantage cette question, et d’ailleurs, ce que nous connaissions alors du Bouddhisme n’était nullement de nature à nous y engager…]. (6)

Revenons à Initiation et réalisation spirituelle, au chapitre de conclusion : « Réalisation ascendante et descendante ». Aussitôt son propos introduit, l’auteur le justifie en arguant du caractère rare, moins explicite, réservé, et même hésitant des doctrines ayant trait à la « redescente » comme seconde phase de la réalisation spirituelle.

René Guénon n’aurait pas eu à lire intégralement le Kyô, Gyô, Shin, Shô de Shinran pour savoir à quoi s’en tenir sur ce point essentiel - pour apprendre accessoirement que cette doctrine est propagée largement. La participation à la récitation matinale du Shô Shin Ge dans un temple Jôdo-Shinshû ainsi qu’une traduction de ce poème tiré du Kyô, Gyô, Shin, Shô, aurait suffi à l’édifier.

Dans plusieurs de ses ouvrages, René Guénon donne à penser que si la Vérité Absolue est réalisée, peu importe la Voie. Or, si la Vérité Absolue « est une chose », la formulation rendant compte de façon plus ou moins universelle de la Vérité Absolue en est une autre. Ce qui peut passer aux yeux de certains pour une simple nuance dans l’expression renvoie dans la pratique à des éléments de première importance, particulièrement en cette période de décadence spirituelle, des éléments en rapport direct avec ce que cet auteur nomme « la réalisation ascendante et descendante » (le Transfert de Mérites du Bouddha Amida en phase d’aller et de retour, pour suivre la formule de la Véritable École de la Terre-Pure, qui se fonde sur le Voeu Primordial, Originel, Universel du Bouddha Amida : le 18ème Voeu du Grand Sûtra de Vie Infinie, ainsi que sur le 22ème Voeu de la série).

Si l’apport de René Guénon à la critique de la modernité et son appel connexe à l’entrée dans une Voie de réalisation spirituelle comme unique antidote à la décadence de la société contemporaine s’est révélé d’une importance culturelle indéniable en Occident, un trait de caractère (qui fut transmis à nombre de ses lecteurs) l’a amené à méconnaître une dimension plus profonde du bouddhisme (et, par conséquent, la plus profonde), ce qu’il reconnut en partie, comme nous l’avons vu. Ce trait de caractère, la doctrine Bouddhique l’appelle : le pouvoir personnel (jap. jiriki) du pratiquant (7). Or, un plan de réalité des plus profonds du Bouddhisme : la Véritable Terre de Rétribution (jap. Hôdo) - la Terre Réalisée par le Bouddha Amida comme Corps de la Loi des Moyens de Compassion -, ne peut être atteint facilement (de la façon la plus simple : sans effort, instantanément, sans possibilité de perdre l’acquis) qu’en s’en remettant dans le Pouvoir Autre (jap. Tariki) du Bouddha Amida, le Bouddha dont tous les Bouddha dans les directions de l’espace louent le Nom et louent la personne qui le loue.

Hormis cette réserve déterminante portant sur cet élément irremplaçable qu’est la pratique dans l’ensemble que forme l’Enseignement, la Pratique et la Réalisation, l’œuvre de René Guénon peut représenter un apport préliminaire précieux pour toute personne qu’une réalisation spirituelle attire. Outre une critique sans concession réellement constructive de la société contemporaine, son œuvre présente de façon raisonnée, adaptée à la mentalité occidentale, des doctrines spirituelles dont l’expression symbolique (8), de nature synthétique, peut paraître déroutante, et même franchement rebutante, à des personnes en début de recherche, de même qu’elle ne manque pas de rendre ces personnes attentives au préalable incontournable que représente l’inscription dans un canal de transmission d’une orthodoxie indiscutable (9).


1 2 3 4 5 6